3.1.17 Impulsion

Nous savons que les harmoniques supérieurs d'une onde ou d'un signal périodique sont les multiples entiers de la fréquence fondamentale. Par exemple, les harmoniques d'un signal périodique non sinusoïdal dont la fondamentale est 50Hz, sont 100Hz, 150Hz, 200Hz, 250Hz et ainsi de suite. Imaginons que la fréquence fondamentale soit 1Hz. Les harmoniques sont 2Hz, 3Hz, 4Hz, etc. Si on abaisse encore la fréquence du signal jusqu'à devenir une impulsion (un click), on observe que le contenu harmonique inclut toutes les fréquences, jusqu'à l'infini. Ainsi, on peut démontrer qu'une impulsion est formée par infinité de fréquences, émises simultanément (voir fig xx).

Réponse impulsionnelle
Nous venons de voir qu'une impulsion est un signal qui contient toutes les fréquences. Pour être précis il faut ajouter que la durée de l'impulsion doit être infiniment courte (je sais, c'est très court) pour que toutes les fréquences aient la même magnitude. Le problème, c'est qu'une impulsion de longueur nulle ne contient aucune énergie. On peut contourner le problème en lui donnant une amplitude infinie (là par contre, c'est très fort!). En théorie, l'impulsion idéale (Dirac) possède une durée nulle et une amplitude infinie.
Dans la réalité, une telle impulsion n'existe pas. Heureusement, car une amplitude infinie ferait exploser l'univers! La plupart du temps, on se contente de produire un click aussi court et aussi fort que possible dans les limites du matériel dont on dispose. Les caractéristiques de l'impulsion sont très codifiées, nous le verrons plus tard.

fig xx - La transformée d'une impulsion de Dirac (à gauche) produit une distribution uniforme des fréquences qu'elle contient.

Si on applique la transformée de Fourier à la fonction δ de Dirac, on trouve la valeur constante 1. Le produit de convolution de n'importe quelle distribution S avec δ=1 est égal à S. Cette propriété est abondamment utilisée en traitement du signal. Elle permet, entre autres, d'analyser la réponse fréquentielle d'un système sans avoir à balayer toute les fréquences.

Supposons que nous voulions comparer un signal sonore avec ses réflexions sur les parois d'un local. Comme nous le verrons dans un autre chapitre, le mur absorbe une partie de l'énergie à certaines fréquences et les réflexions n'ont pas le même contenu énergétique que le signal direct de la source. Pour l'observer, il suffit de produire une impulsion sonore et de relier un microphone à un oscilloscope. Avec un balayage lent, l'écran affiche un pic quand le son direct atteint le microphone, suivie d'autres plus petits, correspondant aux réflexions sur les murs. Cette série de pics montre l'évolution temporelle de la pression acoustique face à une impulsion produite quelque part dans la pièce. Cette figure s'appelle la réponse impulsionnelle. Elle permet d'analyser ou de simuler toutes sortes de phénomènes vibratoires tant pour l'acoustique des sources ou des salles, jusqu'au filtrage numérique.

Spectre d'un bruit

On dit qu'un signal correspondant à une distribution de Dirac possède un spectre blanc. Cela signifie que chaque fréquence présente une intensité identique. Cette propriété est très utilisée pour la mesure et l'analyse des signaux audio. Toutefois, l'impulsion de Dirac ne s'applique que si la phase relative de la fondamentale et de toutes les harmoniques est parfaitement respectée. Dans le cas contraire, l'amplitude varie avec la fréquence donnant naissance à des bruits variés, cohérents ou non.

 

Bruit Blanc

Par analogie avec la lumière, on attribue une couleur aux bruits. Une lumière blanche contient la même quantité d'énergie pour chaque fréquence (ou couleur) du spectre visible. De même, un bruit blanc est ainsi nommé car il contient une quantité égale d'énergie pour chaque fréquence de la bande audio. En traversant un prisme la lumière blanche se décompose, laissant apparaître toutes les couleurs de l'arc en ciel. On obtient une décomposition analogue en filtrant un bruit blanc.

Le bruit blanc possède une énergie constante par Hertz. La puissance sonore délivrée est la même entre 100 et 200Hz qu'entre 1500 et 1600Hz. En balayant la bande audio avec un filtre ayant une largeur de bande constante, on obtient une courbe de réponse plate sur tout le spectre. Avec une largeur fixe de 5Hz par exemple, on lira la même amplitude à 50Hz, 1500Hz ou à 12,5kHz. Par contre, si la largeur du filtre varie avec la fréquence, l'amplitude varie d'autant. On peut prendre comme exemple un filtre dont la largeur équivaut à un tiers d'octave, soit 23% de la fréquence considérée. A 100Hz, la largeur de bande est 23Hz, à 1kHz, elle devient 230Hz, etc. Dans ce cas, la courbe de réponse n'est plus horizontale, elle croît de 3dB à chaque octave. 

Le son d'un bruit blanc paraît plutôt brillant car notre oreille intègre la fréquence par fraction d'octave. Pour les curieux, voici l'explication technique: la puissance d'un bruit est déterminée par la contribution de chaque élément contenu dans une bande de fréquences déterminée. Elle est donc proportionnelle à la densité du spectre et devrait être mesurée en watts par Hertz, mais ce n'est pas le cas. En électricité, on utilise généralement le carré de l'amplitude en faisant référence à une résistance de 1 ohm (P=U²/R). L'unité s'exprime alors en volts carrés par Hertz ou plus communément en volts par racine de Hertz. Le dénominateur augmente avec la racine carré de la fréquence. Le doublement de la fréquence, soit une octave, élève le dénominateur de racine de deux, c'est à dire 1,414. Or, 20 log 1.414 = 3dB, d'où la pente croissante de 3dB par octave de la courbe amplitude/fréquence quand un bruit blanc est mesuré avec avec un filtre de largeur proportionnelle à une bande d'octave.

Bruit Rose
Un bruit qui n'est pas blanc contient davantage d'énergie à une fréquence qu'à une autre. On dit qu'il est coloré. Le bruit rose possède une énergie constante par octave. Cela signifie qu'il perd 50% de son énergie (3dB) à chaque doublement de la fréquence. Il est très utilisé pour les mesures audio car sa distribution correspond à la sensation que nous avons d'un bruit d'intensité uniforme à toutes les fréquence.

 

Chez les professionnels de l'audio, le bruit blanc et le bruit rose sont des outils familiers mais il existe d'autres couleurs de bruit moins connues. En voici quelques unes pour information. Là encore, la couleur est établie d'après le contenu spectral, par analogie avec la décomposition de la lumière.

 

Bruit Rouge

Également appelé bruit Brun, son énergie décroît de 6dB/octave c'est à dire l'inverse du carré de la fréquence (1/f²). Il ressemble à un bruit de friture dont la majeure partie serait contenue dans le bas du spectre. Il est utilisé pour certaines mesures acoustiques, quand les basses fréquences du bruit rose sont couvertes par le bruit ambiant (à l'intérieur d'une automobile, par exemple). Il sert également en océanographie.
On rencontre aussi le bruit rouge en électronique où il apparaît comme un parasite causé par la présence d'impuretés métalliques dans les jonctions des circuits intégrés. Dans le jargon électronique on parle de "bruit Pop Corn".

 

Bruit bleu ou bruit Azur

C'est l'inverse d'un bruit rose. Mesuré avec un filtre en pourcentage d'octave, l'amplitude croît proportionnellement à la fréquence et la puissance double à chaque octave (+3dB). Il figure dans les normes mais on ne le rencontre pratiquement jamais en acoustique.

 

Bruit pourpre ou bruit violet

Le bruit pourpre est au bruit bleu ce que le bruit rouge est au bruit rose. L'amplitude grandit avec le carré de la fréquence et l'énergie quadruple à chaque octave (+6dB). Il ne contient que des aiguës et n'est jamais utilisé en acoustique.

 

Bruit noir

Le bruit noir est un cas particulier. Il s'agit essentiellement de silences entrecoupés par des impulsions occasionnelles suivant un rythme aléatoire.

 

Problèmes relatifs aux bruits

Les bruits dont la couleur est basée sur la quantité relative d'énergie par bande de fréquences, doivent être utilisés avec précaution. La magnitude instantanée d'un bruit est aléatoire, par définition. Cela signifie qu'à un instant donné, l'amplitude d'une bande de fréquences peut être différente de la valeur attendue. En fait, la couleur du bruit est une probabilité. Pour que le contenu spectral du bruit soit conforme à la couleur annoncée, il faut que le mesurage s'étale sur une période de temps assez longue. Plus la période est longue et plus le résultat est précis. Un bruit blanc contient probablement autant d'énergie entre 100 et 200Hz qu'entre 4000 et 4100Hz. Cependant, si vous mesurez pendant une seconde seulement, vous n'obtiendrez peut être pas deux valeurs identiques. C'est un peu comme le jeu de dés. Si vous lancez deux dés identiques un millier de fois, vous obtiendrez probablement le même nombre de points pour chaque dé. Mais si vous ne les lancez qu'une ou deux fois, il y a peu de chances pour qu'ils donnent un nombre de points identique.