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L’amortissement par couche de contrainte

Le bruit est partout. Nous sommes entourés par le bruit, dans notre quotidien, y compris dans nos habitations.  Il n'est pas toujours possible de s'en éloigner mais il existe des moyens d’améliorer l’isolement des parois qui nous protègent. En créant un sandwich de matériaux appropriés, on sait étouffer les sons. Ce qui était autrefois une cloison bruyante peut devenir un écran anti-bruit. 
La plupart des objets produisent un son quand on les frappe. Le son, plus ou moins long selon que l'objet résonne ou pas, provient de minuscules vibrations engendrées par l’impact qui entrainent une déformation de l’objet à très petite échelle, invisible à l'oeil nu. Après l'impact, l’objet tend à retrouver sa forme initiale mais la libération de l'énergie vibratoire emmagasinée au moment de l’impact prolonge temporairement la vibration.
Le stockage puis la libération de l'énergie, c'est comme un poids suspendu à un ressort que l’on tire avant de la relâcher. On observe un mouvement oscillant qui s'amortit et perdure un certain temps avant de s’éteindre. La résonance acoustique d’un objet suit le même principe. L'air qui entoure l'objet animé par la vibration, forme une onde sonore qui se propage jusqu'à nos oreilles. Plus la vibration est intense plus elle dure, plus son amplitude est grande et le son audible.
Comment fonctionne l’amortissement
L’amortissement acoustique consiste à étouffer la propagation du son en contrôlant la vibration du matériau conducteur. 

Prenez un verre à pied, verre à Cognac ou à Bordeaux, vide. Frappez le bord du verre avec un couteau ou une cuillère. Vous entendez le son cristallin du verre qui résonne. Maintenant, tenez le corps du verre dans votre main. Vous remarquez qu’en frappant le bord, la résonance a disparu. Votre main absorbe les vibrations en agissant comme un étouffoir. On dit que les vibrations sont amorties par la main.

Evidemment, on ne peut pas tenir indéfiniment les objets qui nous entourent pour les empêcher de vibrer. Alors nous allons faire ensemble une petite expérience. Prenons une petite cloche, pour bétail par exemple. Si on fixe un morceau de métal mince directement sur la cloche, la résonance de cette dernière n’est pas ou très peu modifiée. De même, si on colle un ruban adhésif double face sur la cloche, ça ne change pas grand-chose. Par contre, quand on pose la feuille de métal sur le ruban adhésif, la résonnance de la cloche est atténuée.

Que s’est-il passé ? Oublions la courbure naturelle de la cloche et regardons de plus près la coupe de notre sandwich. Au repos, la cloche et la feuille de métal, séparées par la couche adhésive sont parallèles. Quand on frappe la cloche, elle se déforme et ondule au rythme des vibrations. Dans son mouvement, elle entraine la feuille de métal collée. Mais l’épaisseur respective des matériaux ajoutée à celle de l’adhésif rend les rayons de courbure différents. Ainsi, la feuille de métal et le corps de la choche partagent une contrainte qui tend à étirer l'un et compresser l'autre en alternance à travers l'adhésif. Or, les métaux résistent mieux à la déformation que la couche adhésive qui encaisse toute la contrainte de déformation. Cette couche molle rapportée s’appelle « couche de contrainte ».

Si on marque sur la tranche du sandwich des repères alignés au repos, on observe que sous l'effet de la déformation produite par une vibration, ces repères s’écartent alternativement dans un sens puis dans l’autre en suivant le mouvement ondulatoire. Le mouvement transversal se transforme en déplacement longitudinal par le glissement des couches l’une sur l’autre tandis que la couche adhésive suuporte tout l’effort de cisaillement.
Nous venons de décrire le principe de l’amortissement par couche de contrainte.

Mécanisme du cisaillement de la couche de contrainte.

Dans cet exemple, on attribue à la couche adhésive des propriétés viscoélastiques. Cela ne fonctionnerait pas avec une colle acrylique, trop rigide. Les matériaux viscoélastiques se comportent physiquement comme la combinaison de quelque chose de visqueux, comme du chocolat fondu et élastique comme du caoutchouc. De tels matériaux on la propriété de dissiper l'énergie, plutôt que de la transmettre.
Pourquoi visqueux ?
Grâce à ses propriétés visqueuses, le matériau soumis aux forces de cisaillement, dissipe une partie de l’énergie en chaleur. Dans notre exemple, l’énergie dissipée est retirée de la cloche qui par conséquent, vibre moins fort et moins longtemps, d’où la disparition de la résonance. 
Pourquoi élastique ?
Si on remplace le matériau souple par une boule d’argile, celle-ci va encaisser la contrainte d’un choc et s’écraser de manière permanente. La paroi sera bien amortie la première fois mais l’argile ne sera plus en mesure d’absorber un nouvel effort. L’élasticité permet au matériau de retrouver sa forme initiale entre chaque vibration et de reproduire l’effet indéfiniment.

Un matériau viscoélastique ne dissipe pas aussi bien l’énergie qu’un matériau purement visqueux (cas théorique), mais il présente l’avantage de récupérer ses propriétés après chaque sollicitation. 

Cette méthode est parfaitement transposable aux vitrages, aux cloisons et aux planchers. Dans ce cas, le matériau viscoélastique est introduit entre deux plaques verre, de plâtre ou de bois. La plaque exposée au bruit cherche à vibrer et à entrainer la seconde plaque à travers le matériau élastique. La seconde plaque résiste à la déformation longitudinale par effet de poutre et c’est le matériau viscoélastique qui reprend l’effort de cisaillement. La résistance ainsi produite retient les deux plaques et freine leur vibration.
Remarque : On notera que le matériau viscoélastique doit faire corps avec les deux plaques pour que le système fonctionne. Par cette méthode, les propriétés isolantes de la paroi sont décuplées. 
Applications
On trouve dans le commerce des matériaux et des produits qui utilisent ce principe. Les vitrages Triplex, Stadip ou Pilkinson contiennent un film en résine transparente, prisonnier entre deux feuilles de verre, solidement collées. L'affaiblissement acoustique surpasse très largement celui des doubles vitrages à vocation purement thermique.
Les amortisseurs en pâte tels Green Glue et Quiet Glue, permettent d'appliquer ce principe aux cloisons. Le produit qui reste mou et poisseux tout au long de sa vie, est étalé en un film mince (0,6mm) entre deux plaques de plâtre, prisonnier entre la plaque exposée au son et la couche de contrainte. Les forces de cisaillement auxquelles il est soumis transforment et dissipent l'énergie sonore. Green Glue est un produit écologique, non toxique et soluble dans l'eau.

JP Lafont – Septembre 2010

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